Par Manon Legrand
Le secret professionnel auquel sont tenus les employés des CPAS, syndicats, caisses d’assurances maladie et ministères devrait être levé en cas de soupçon de terrorisme, selon une proposition de loi de la députée N-VA Valerie Van Peel, citée ce lundi par Het Nieuwsblad. Une proposition qui n’est pas sans rappeler un projet de Willy Borsus.
«Les travailleurs des CPAS qui durant une visite à domicile ou lors d’un appel constatent que leurs clients ont ‘quelque chose à voir’ avec le terrorisme auraient l’obligation d’alerter la justice, tout comme les employés des syndicats, caisses d’assurances maladie et ministères», explique-t-elle dans le quotidien flamand. Ils seraient également contraints de donner des informations sur demande du parquet, si une personne bénéficie par exemple d’allocations de chômage. Valérie Van Peel précise que « l’exception » ne vaudrait que pour le terrorisme. «La radicalisation n’en fait pas partie. Le secret professionnel médical est également préservé», déclare-t-elle.
Cette proposition n’est pas vraiment neuve. En mars dernier, la même députée N-VA avait proposé d’empêcher le personnel des CPAS d’invoquer le secret professionnel dans le cadre d’enquêtes pour des faits de terrorisme. La députée a étendu l’obligation aux autres agents et fonctionnaires suite à un avis critique du Conseil d’Etat qui s’étonnait qu’elle soit limitée aux CPAS.
Inspirée par Borsus ?
Le ministre fédéral de l’Intégration sociale Willy Borsus (MR) planche en collaboration avec le ministre de la Justice Koen Geens (CD&V) sur un projet similaire. Les deux ministres étudient la possibilité de prévoir une disposition par laquelle le personnel des institutions de Sécurité sociale qui aurait connaissance d’une infraction grave pourrait tenir le procureur du Roi informé. Une autre disposition l’obligerait à informer le procureur en cas d’informations liées à du terrorisme ou de la radicalisation.
Les CPAS inquiets
Pour les CPAS, le secret professionnel est indispensable à la relation de confiance entre une personne et le professionnel auquel elle se confie. Interviewé récemment dans nos colonnes, , Luc Vandormael, président de la Fédération des CPAS, déplorait le contrôle croissant imposé aux travailleurs des CPAS. «Non seulement, on impose sans cesse de nouvelles missions, sans nous octroyer les moyens adéquats pour les assumer, mais aussi, on nous impose de plus en plus une attitude de contrôle au dépens de notre mission d’aide et d’action sociale qui ne peut se réaliser que dans un climat de confiance avec les personnes que nous accompagnons» (nous évoquions aussi cette question dans notre dossier « Assistants sociaux, détecteur de radicaux »
Il s’exprimait également sur la question du secret professionnel : «D’abord il s’est agi d’exercer des pressions sur nos agents pour collaborer avec la justice dans les cas de fraude sociale, certains ont été clairement menacés. À présent, il est question de dénoncer les djihadistes supposés connus des CPAS. Hormis le principe de nécessité, quand il y a danger pour une personne ou son entourage, nous considérons que le secret professionnel reste la règle absolue, comme c’est le cas pour les médecins ou les avocats. Et puis le code pénal est clair, il y a clairement risque de sanctions en cas de levée du secret». Au micro de la RTBF ce lundi, il a déclaré «être préoccupé qu’on profite de ce climat pour éventuellement porter atteinte aux libertés et à la vie privée et peut-être même enquiquiner une série de personnes qui n’ont rien à voir avec le phénomène ».
Valerie Van Peel soumettra sa proposition de loi après l’été. La députée n’exclut pas d’ouvrir le débat sur la nécessité ou non d’étendre la levée du secret professionnel à d’autres secteurs.
Alter Echos 3 août 2016