Par Palestine Mental Health Networks
Nous appelons les professionnels de la santé mentale du monde entier à suivre l’exemple de la célèbre psychanalyste américaine Dr. Jessica Benjamin en respectant la ligne de démarcation du BDS et en boycottant les conférences en Israël.
Alors que l’horrible génocide se poursuit à Gaza, de nombreux groupes de la société civile ont vocalement condamné le massacre de civils et la complicité des dirigeants occidentaux, et ont appelé à un cessez-le-feu immédiat et au boycott.
Pourtant, les principales associations de santé mentale – y compris celles qui représentent les psychologues et les psychothérapeutes – ont malheureusement été lentes à réagir.
Il est alarmant de constater que certaines ont publié des déclarations soutenant clairement Israël, tandis que d’autres ont opté pour une façade de neutralité.
Cette réticence est en contradiction flagrante avec l’engagement éthique de notre profession à protéger la vie et à prévenir le traumatisme. Elle contribue ainsi à la déshumanisation des Palestiniens, en accordant plus de valeur à certaines vies qu’à d’autres.
Ce problème n’est pas nouveau ; notre domaine a une histoire troublante d’évasions morales et de réduction au silence de ceux qui osent s’exprimer.
Depuis 2014, nous, praticiens de la santé mentale de différents pays, nous sommes unis pour lutter contre les injustices dont sont victimes les Palestiniens. Actuellement, des réseaux de santé mentale palestiniens existent en Palestine, en Australie, au Canada, en France, en Irlande, en Allemagne, aux Pays-Bas, en Suède, en Afrique du Sud, au Royaume-Uni et aux États-Unis.
Notre objectif est de mieux faire comprendre les graves conséquences de l’oppression coloniale sur la santé mentale des hommes, des femmes et des enfants palestiniens, d’être solidaires des professionnels palestiniens et d’encourager des engagements similaires de la part de nos collègues et de leurs organisations dans le monde entier.
Un aspect fondamental de la mission de nos réseaux est de soutenir l’appel de la société civile palestinienne au mouvement non violent de Boycott, Désinvestissement et Sanctions (BDS), en particulier la Campagne palestinienne pour le boycott académique et culturel (PACBI).
Au cœur de cette mission se trouve l’initiative « Don’t Go », qui exhorte les professionnels de la santé mentale du monde entier à éviter de participer à des conférences organisées en Israël ou par des organisations qui soutiennent l’occupation israélienne, en raison de leur rôle permanent et significatif dans l’affaiblissement des droits des Palestiniens reconnus par le droit international.
Ensemble, les réseaux internationaux de santé mentale en Palestine s’efforcent de réaligner la profession de santé mentale sur ses valeurs fondamentales : l’intégrité, l’égalité et le caractère sacré de la vie humaine.
En mai 2024, nos réseaux ont été informés de la participation prévue du Dr Jessica Benjamin, psychanalyste américaine de renom , à un webinaire intitulé « From Blindness to Insight » organisé à Tel-Aviv par l’Institut contemporain de psychanalyse.
Cet institut n’avait pas encore abordé publiquement les crimes de guerre perpétrés contre le peuple palestinien, notamment les actes que la Cour internationale de justice a qualifiés de potentiellement génocidaires à Gaza, et les pogroms généralisés facilités par les forces d’occupation israéliennes dans le reste de la Palestine, qui ont eux-mêmes entraîné la mort de près de 500 adultes et de près de 100 enfants depuis le 7 octobre.
En réponse, le 8 mai 2024, le Réseau international pour la santé mentale en Palestine a contacté le Dr Benjamin, lui demandant de ne pas assister à l’événement et d’apporter son soutien au mouvement de résistance non violente, le BDS.
Les réseaux ont été ravis de recevoir une réponse du Dr Benjamin. Elle a indiqué dans sa lettre qu’ « après mûre réflexion […] elle a conclu qu’elle devait, en effet, renoncer à participer au séminaire ».
Mme Benjamin a ajouté qu’elle ne voulait pas « donner une quelconque légitimité aux institutions qui nient l’horrible violence [contre les Palestiniens] de leur gouvernement, et son acceptation ou (plus vraisemblablement) son approbation par leur peuple ».
Mme Benjamin a également écrit aux Palestiniens vivant à l’intérieur des frontières des terres volées en 1948. Dans cette lettre, elle reconnaît l’agonie quotidienne que doivent ressentir les Palestiniens qui assistent au massacre de leur peuple à Gaza et souligne à quel point il doit être traumatisant d’être sous la domination oppressive du gouvernement et les fractures que l’on rencontre dans la vie de tous les jours.
Le soutien décisif du Dr Benjamin au mouvement « Don’t Go x des réseaux de santé mentale palestiniens en ce moment historique est particulièrement significatif dans le contexte du génocide en cours à Gaza et de l’escalade des menaces pesant sur la vie, les moyens de subsistance et le bien-être des Palestiniens en Cisjordanie et ailleurs.
L’action de Mme Benjamin, qui s’est retirée de l’événement de Tel Aviv, est une source d’inspiration pour nous tous, car aujourd’hui, plus que jamais, les personnes de bonne volonté du monde entier sont appelées à agir au sein de leurs sociétés civiles et de leurs gouvernements pour protester contre les horreurs continues infligées au peuple de Palestine.
Le retrait courageux du Dr. Benjamin de l’événement de Tel Aviv est une source d’inspiration, nous rappelant qu’aujourd’hui, plus que jamais, les citoyens de conscience du monde sont appelés à exprimer leur protestation contre les horreurs persistantes infligées au peuple palestinien.
Nous exhortons les professionnels et leurs organisations dans le monde entier à imiter l’engagement du Dr. Benjamin et à respecter notre éthique professionnelle fondamentale en refusant explicitement de collaborer, activement ou passivement, avec le génocide, le nettoyage ethnique et l’apartheid.
Notre intégrité professionnelle est fondée sur le principe « Ne pas nuire », qui impose des pratiques antiracistes et l’obligation de faire face aux inégalités criantes, aux abus de pouvoir et à la déshumanisation.
Nous reconnaissons les nombreux défis auxquels sont confrontés ceux qui souhaitent adopter une position éthique claire, parmi lesquels le fait d’éviter de prendre des positions fortes qui pourraient réduire les possibilités de dialogue. Comme le Dr Benjamin, nous apprécions grandement le dialogue et la sensibilisation au-delà des différences.
Cependant, nous reconnaissons également que le contexte actuel ne favorise pas un tel engagement. Dans un cadre institutionnel, donner la priorité au dialogue plutôt qu’à l’impératif de lutter contre les massacres et l’oppression coloniale équivaut en fait à de la complicité.
Nous comprenons les craintes de ceux qui, en s’exprimant contre le génocide, risquent d’être qualifiés à tort d’antisémites, d’être confrontés à des réactions négatives de la part de l’organisation pour avoir mis mal à l’aise des collègues, ou d’endurer des répercussions professionnelles.
Nous sommes prêts à soutenir tous ceux qui, dans le respect de leur éthique professionnelle, font face à ces tactiques de réduction au silence.
Nous vous invitons à considérer les réponses suivantes à la rhétorique habituelle que nous recevons lorsque nous dénonçons l’injustice en Palestine.
La prise de position est politique : La défense des droits de l’homme et de la justice transcende les frontières politiques et constitue une obligation éthique fondamentale.
Elle met certains membres mal à l’aise : Le respect des normes éthiques et la confrontation aux injustices, même lorsqu’elles sont inconfortables, sont essentiels pour un changement significatif.
Risque d’accusations d’ « antisémitisme » : Il est essentiel de faire la distinction entre la critique des politiques de l’État et l’antisémitisme. Les travaux antérieurs de notre réseau sur ce sujet, y compris notre document sur l’antisémitisme, peuvent apporter davantage de clarté et de soutien.
La nécessité d’être impartial : L’appel à la responsabilité de toutes les parties n’exclut pas la reconnaissance des impacts disproportionnés et des injustices.
Risque de perte de financement ou de plaintes : L’intégrité éthique ne doit pas être compromise par des pressions financières ou sociales. Défendre la justice est notre devoir primordial et l’action collective est essentielle pour protéger ceux qui sont rendus vulnérables par leur prise de parole.
L’exigence de condamner les attaques du Hamas du 7 octobre. Il est possible d’adopter une position ferme contre l’approbation de la violence et des abus, quel qu’en soit l’auteur, sans s’associer au racisme en supposant que la vie des Israéliens a plus de valeur que celle des Palestiniens.
Pour chacun de ces arguments, des ressources supplémentaires et des réponses détaillées sont disponibles, y compris des déclarations de position et des analyses précédemment rédigées et approuvées par nos réseaux, que l’on peut trouver sur leurs sites web.
En particulier, Pal Global exhorte les membres des organisations professionnelles de santé mentale à adopter des prises de position claires, en donnant la priorité à la question du génocide en Palestine comme étant la préoccupation la plus urgente.
Ce moment appelle à un cessez-le-feu immédiat, mais aussi à une reconnaissance plus large des crimes commis de longue date contre le peuple palestinien depuis 1948, inhérents au cadre colonial de l’État sioniste. Nous plaidons pour l’application de l’égalité des droits de l’homme et de la justice pour tous les citoyens en Israël/Palestine.
Nous appelons à un front uni pour défendre la liberté universelle et les droits de l’homme, et pour rejeter l’exceptionnalisme accordé à Israël ainsi que le déni flagrant de ces droits pour les Palestiniens.
Cet effort doit émaner de la société civile, étant donné l’échec honteux des gouvernements et des organismes internationaux à agir alors que le massacre en masse des Palestiniens se poursuit sans relâche et sans retenue.
Le Palestine Mental Health Networks est un consortium international de réseaux basés en Australie, au Canada, en France, en Irlande, en Allemagne, aux Pays-Bas, en Afrique du Sud, en Suède, au Royaume-Uni et aux États-Unis, qui agissent en solidarité avec le réseau mondial de santé mentale palestinien. Les réseaux ont pour objectif de sensibiliser à la question de la Palestine et au sort des Palestiniens et des praticiens palestiniens de la santé mentale ; de contribuer au dialogue sur le colonialisme de peuplement et ses effets négatifs sur la santé mentale et le bien-être des communautés ; d’encourager les collègues à soutenir l’appel palestinien au boycott, au désinvestissement et aux sanctions (BDS), fondé sur le droit international, la non-violence, les valeurs démocratiques et les pratiques antiracistes.
Source : Chronique de Palestine