Par Delphine Hotua
De nombreux travailleurs sociaux sont juridiquement liés par un code de déontologie qui définit les règles de bonne conduite professionnelle à respecter. Au sein des CPAS, le respect du secret professionnel est une nécessité sociale impérieuse.
L’inspection sociale a récemment accusé certains CPAS du pays de se retrancher derrière le secret professionnel propre à leur déontologie alors qu’elle investiguait contre la fraude sociale. Quelles sont les finalités du secret professionnel et dans quelles conditions peut-on le violer… Petite piqûre de rappel.
Le secret professionnel, garantie d’un travail en toute confiance
Le secret professionnel permet la sauvegarde de certaines valeurs jugées essentielles et qui, sont le fruit de la combinaison de trois intérêts différents, à savoir la protection de la vie privée des usagers, la protection des professionnels tenus au secret – condition sine qua non pour que des confidences se fassent en toute confiance et enfin, la protection de la société dans son ensemble. En effet, sans l’existence de lieux où chacun peut se confier et trouver de l’aide, « certaines choses se régleraient vraisemblablement dans la violence », selon l’Association de la Ville et des Communes de la Région de Bruxelles-Capitale, section CPAS.
L’obligation au secret professionnel est consacrée par l’article 458 du Code pénal qui dispose que : « Les médecins, chirurgiens, officiers de santé, pharmaciens, sages-femmes et toutes autres personnes dépositaires, par état ou par profession, des secrets qu’on leur confie (ndlr : parmi lesquelles les agents de CPAS), qui, hors le cas où ils sont appelés à rendre témoignage en justice et celui où la loi les oblige à faire connaître ces secrets, les auront révélés, seront punis d’un emprisonnement de huit jours à six mois et d’une amende de cent francs à cinq cents francs. »
Le droit au secret n’est pas absolu. Quelles sont les exceptions ?
Toutes les informations reçues ou constatées durant l’exercice de la profession ou du mandat tombent sous le secret professionnel, à l’exception du témoignage en justice et des obligations légales énoncées par l’article 70 du Code pénal : « Il n’y a pas d’infraction lorsque le fait était ordonné par la loi et commandé par l’autorité. »
Par ailleurs, certains cas précis permettent au professionnel de parler. Aussi, l’état de nécessité, la non-assistance à personne en danger, la dénonciation des crimes et délits et le secret partagé – qui répond à la nécessité ressentie sur le terrain de collaborer entre intervenants – font partie des exceptions à la règle.
Quand la pratique bouscule la théorie
Comme nous le confiait Guillaume, agent de CPAS et assistant social de formation, il est parfois difficile de ne pas être en porte-à-faux avec le secret professionnel : « Lorsque vous prenez connaissance d’une situation familiale où un enfant est maltraité, ce n’est pas évident à gérer. On se retrouve sur le fil entre le respect du secret professionnel et la non assistance à personne en danger. »
A cet égard, l’article 422bis du Code pénal stipule que « sera puni d’un emprisonnement de huit jours à un an et d’une amende de cinquante à cinq cents francs ou d’une de ces peines seulement, celui qui s’abstient de venir en aide ou de procurer une aide à une personne exposée à un péril grave, soit qu’il ait constaté par lui-même la situation de cette personne, soit que cette situation lui soit décrite par ceux qui sollicitent son intervention. »
Quelle règle choisir face à deux textes de loi d’égale valeur ?
Face à deux règles d’égale valeur obligatoire (article 458 du Code pénal sanctionnant la violation du secret professionnel et l’article 422bis du Code pénal sanctionnant la non-assistance à personne en danger), il faut considérer que le respect de l’article 422bis du Code pénal constitue une « cause de justification » pour la violation de l’article 458 du Code pénal. Dès lors, l’infraction du chef de violation du secret professionnel sera établie mais non punie.
Rappelons cependant que l’article 422bis du Code Pénal prévoit l’obligation d’apporter une aide et non de dénoncer ou de révéler. Il s’agira donc d’apporter personnellement ou de faire en sorte que la personne ou le service compétent apporte l’aide adéquate pour conjurer un péril grave.
Cela dit, force est de constater que sur le terrain, les agents de CPAS se retrouvent fréquemment inconfortablement assis entre deux chaises. Le cas le plus récemment médiatisé n’est autre que la sollicitation de l’Inspection sociale auprès des CPAS pour obtenir des informations sur des allocataires sociaux soupçonnés de travailler au noir. Malgré ces présomptions de fraude sociale, aucune disposition légale n’autorise les CPAS à transmettre des renseignements relatifs à un demandeur d’aide ; l’article 458 du Code Pénal s’appliquant ici pleinement.
Source : Le guide social 07/04/15