
Dans un entretien accordé au site Oumma.com , le médecin urgentiste et fondateur de l’ONG humanitaire médicale Husome, Raphaël Pitti, témoigne de la situation catastrophique qu’il a observée lors de ses deux missions à Gaza après le 7 octobre 2023. Habitué aux zones de guerre – ayant exercé en ex-Yougoslavie, au Liban, en Afrique, en Syrie (35 missions) et en Ukraine (15 missions) –, il affirme n’avoir “jamais vu ça”, décrivant un chaos humanitaire sans précédent.
Une catastrophe humanitaire sans précédent
En janvier 2024, Raphaël Pitti entre pour la première fois à Gaza avec une mission médicale humanitaire. Rafah, ville initialement peuplée de 200 000 habitants, accueille alors plus de 1,2 million de déplacés, contraints de fuir le nord du territoire. Cette zone, présentée comme “sécurisée”, ne leur offre pourtant aucune ressource, et les réfugiés doivent improviser des abris en pleine rue.
L’arrivée de l’équipe médicale à l’hôpital européen de Rafah est marquée par une vision déconcertante : plus de 25 000 personnes vivent autour de l’établissement dans des conditions précaires. À l’intérieur, 3 000 réfugiés, notamment des femmes et des enfants, occupent les couloirs. Les services d’urgence sont débordés, devant traiter des pathologies chroniques et aiguës, mais aussi un afflux constant de blessés causés par les bombardements, les snipers et les drones. Par manque de matériel, les médecins doivent soigner à même le sol et procéder à un triage inversé : ils privilégient les blessés légers plutôt que ceux nécessitant des soins lourds, contraints d’abandonner les plus graves.
Face à ce désastre, Raphaël Pitti dénonce le manque criant de matériel médical et l’impossibilité pour les humanitaires d’apporter de l’aide, en raison des restrictions imposées.
La remise en cause du droit humanitaire international
Selon lui, le conflit israélo-palestinien illustre une régression dramatique du droit humanitaire international. Il rappelle que les conventions signées après la Seconde Guerre mondiale visaient à protéger les civils, les soignants et les infrastructures essentielles. Or, aujourd’hui, ce cadre est totalement bafoué.
Raphaël Pitti s’insurge également contre l’attitude des États-Unis, qui, sous la présidence de Donald Trump, soutiennent activement le gouvernement israélien d’extrême droite. Il met en garde contre un retour à des périodes sombres si la communauté internationale ne réagit pas face à cette régression du droit international et des droits de l’Homme.
La suppression de l’UNRWA : un danger supplémentaire
En octobre 2024, le parlement israélien (Knesset) vote l’interdiction de l’UNRWA, l’agence onusienne d’aide aux réfugiés palestiniens, en l’accusant de terrorisme. Raphaël Pitti défend au contraire son rôle fondamental : depuis 1948, cette organisation est le principal soutien des Palestiniens, en assurant l’éducation, l’accès à l’eau et l’aide alimentaire, notamment à Gaza, sous blocus israélien depuis 17 ans.
Il estime que supprimer l’UNRWA revient à priver la population de ses derniers secours, tout comme détruire les hôpitaux ou empêcher l’entrée d’aides médicales. À ses yeux, ces actions visent délibérément à accroître la souffrance des Gazaouis, considérés comme responsables de la prise d’otages.
Le manque d’empathie de la population israélienne
En novembre 2024, deux universitaires, Esther Benbassa et Jean-Christophe Attias, publient une tribune dans Le Monde, dénonçant l’absence d’empathie d’une grande partie des Israéliens envers les Gazaouis. Pit partage ce constat, expliquant que la principale préoccupation en Israël reste la libération des otages.
Il nuance cependant en soulignant que certains Israéliens engagés dans des ONG humanitaires lui ont permis de faire entrer clandestinement des médicaments à Gaza, malgré les interdictions gouvernementales. Il rappelle que, même au sein d’un État, il existe toujours des “hommes justes”.
Enfin, il s’interroge sur la volonté réelle du gouvernement israélien de récupérer les otages, au vu de ses actions brutales : bombardements, coupures d’électricité et de gaz, destruction d’hôpitaux comme celui d’Al-Nasr. Il dénonce une politique qui vise davantage à terroriser et massacrer la population palestinienne qu’à négocier une issue pacifique.
Un appel à la solidarité : le gala “Un Iftar pour Gaza”
Face à cette crise, l’ONG Husome reste active sur le terrain. Raphaël Pitti évoque leurs actions à Gaza : distribution d’eau potable (17 000 litres par jour), gestion de centres de soins primaires et lutte contre la malnutrition infantile. Toutefois, le manque de financements et les restrictions imposées rendent leur mission extrêmement difficile.
Pour soutenir leurs initiatives, un gala solidaire, “Un Iftar pour Gaza”, est organisé le 28 mars 2025. Raphaël Pitti invite le public à y participer ou à faire un don via le site Husome, soulignant l’importance du soutien international pour atténuer la souffrance des civils à Gaza.
Conclusion
À travers son témoignage, Raphaël Pitti dresse un constat accablant de la situation humanitaire à Gaza, mettant en lumière les souffrances des civils, l’inaction internationale et les atteintes aux droits fondamentaux. Il appelle à une prise de conscience collective et à une mobilisation urgente, notamment via l’aide humanitaire et le soutien aux ONG présentes sur le terrain.
Source : Oumma.com 25 mars 2025