
L’accord du gouvernement fédéral belge « Arizona » est une attaque violente contre le modèle de protection sociale, qui préfigure de nombreuses initiatives de luttes sociales.
En réaction, le front commun des trois plus grands syndicats, socialiste, chrétien et libéral, appellent à la mobilisation générale ce jeudi 13 février 2025, avec un rassemblement prévu à 10h30 à la Gare du Nord de Bruxelles.
Le syndicat socialiste, la FGTB, dénonce une « déclaration de guerre » et une attaque envers les plus vulnérables « mépris pour les travailleurs et travailleuses, les allocataires sociaux, les fonctionnaires, les réfugiés, les primo-arrivants, les malades, les demandeurs d’emploi, les femmes… », et la pression fiscale sur les revenus moyens, mais très peu sur les « épaules plus larges ».
Le syndicat chrétien, la CSC, a fourni une note critique de l’accord, dénonçant une « menace grave pour la prospérité et le bien-être de toutes et de tous », pointant le blocage des augmentations salariales dans des secteurs faisant des hyperprofits, le démantèlement du droit du travail sous couvert de « flexibilisation », la réforme des pensions en général et l’impact sur les enseignants et fonctionnaires en particulier, la stigmatisation des allocataires sociaux et les attaques envers le droit de grève.
Le syndicat libéral, la CGSLB, dénonce la pression fiscale sur les salaires plutôt que sur le capital, l’absence de dialogue social et l’injustice du système de pension.
L’action sociale est une composante de toute société démocratique humaniste
Une société démocratique porte en elle une composante d’action sociale car elle reconnait les mécanismes d’exclusions sur lesquelles elles ne peut facilement agir. Les causes des logiques d’exclusion peuvent être purement discriminantes, explicites, ou le produit d’une série de phénomènes sociaux complexes qu’on peine à maîtriser.
Une société humaniste est fondée sur la notion de dignité humaine, c’est-à-dire que la vie humaine ne peut se limiter à un moyen mais est une fin en soi. Elle repose sur l’idée que toute vie humaine est digne d’être vécue, et qu’aucune personne humaine ne peut être abandonnée sans moyens de ressources, quelle que soit son passé ou sa personnalité.
Ce choix de l’action sociale est ancré dans des institutions (les écoles sociales, les services sociaux, les institutions de formation continue) qu’on peut difficile séparer d’une politique de santé, tant les déterminants sociaux ont de l’importance sur les indicateurs de santé.
Une attaque contre l’action sociale
Les groupes sociaux vulnérabilisés par des logiques d’exclusion parfois involontaires au niveau sociétal (aucune majorité ne souhaite l’existence de violences intrafamiliales, mais elle existe), sont les plus durement marqués par cet accord, en particulier les migrants, les femmes, les personnes âgées et les malades de longue durée.
L’action sociale et la dignité humaine sont les grande victimes de l’accord de gouvernement. Les acteurs sociaux, dans un pays où le taux syndicalisation approche les 50% et le taux de mutualisation de plus de 90% de la population totale, ont déjà publié leurs analyses sur les reculs sociétaux.
En attendant une analyse plus exhaustive, on notera, à titre d’exemple :
- L’obligation pour les familles monoparentales de montrer la preuve de démarches juridiques de récupération de la pension alimentaire auprès de l’ex-conjoint comme condition pour obtenir le revenu d’intégration au CPAS, une mesure qui met en difficulté les victimes de violence intrafamiliale et qui les expose à des risques de violence, puisque toute démarche nécessite avant tout une sécurité financière et physique.
- La suppression du « ménage » pour les ménages qui ne bénéficient que d’une seule pension, car l’un des deux conjoints (souvent une femme) ne peut prétendre à une pension garantie.
- L’obligation pour les usagers de drogues de s’engager au sevrage pour bénéficier de l’octroi du RIS, alors qu’il est connu depuis les années 60 que la contrainte au sevrage n’offre aucun résultat en matière de santé publique (le patient replonge tout de suite après, multipliant les sevrages inutiles, inefficaces .. et coûteux), contrairement à l’accompagnement de long terme par une équipe pluridisciplinaire.
- Le financement des frais de fonctionnement des mutualités lié à leur « performance » en matière de remise au travail des malades de longue durée, alors que toutes les méta-analyses en santé publique démontrent un lien significatif entre durée de non-emploi et dépression sévère.
- L’interdiction aux mutualités de faire de la « propagande politique », une notion floue les réduisant à des organismes de prestations, alors que l’affiliation à une mutualité est une adhésion à un projet et une vision politique, qui sont d’ailleurs au fondement de leur création.