Nous reproduisons ci-dessous le contenu de l’intervention faite dans le cadre d’une formation organisée en 2011 par l’Institut de recherche, d’étude et de formation sur le syndicalisme et les mouvements sociaux sur le thème « Histoire, théories et actualité du mouvement féministe ».

Des spécialistes en anthropologie (dont Françoise Héritier[1]) considèrent que les femmes, quelles que soient les époques et les sociétés, ont toujours connu une situation de domination liée à la nécessité pour les hommes de contrôler la reproduction et leur filiation. S’il y eu des mouvements de femme[2] à différents moments de l’histoire, il faut attendre le XIXème siècle pour dater généralement la naissance d’un mouvement féministe.

Dans cette intervention, nous souhaitons présenter le mouvement féministe tant dans son histoire et ses théories que son actualité en France aujourd’hui. Comment le mouvement féministe a-t-il évolué depuis le XIXème siècle ? Quels sont les différents courants qui l’ont traversé et qui le traverse encore ? Nous demanderons pour finir si, après les revendications obtenues par le mouvement féministe (en particulier dans les années 1970), on peut dire que le féminisme est une survivance archaïque ou s’il demeure d’une réelle actualité.

 I-                   Histoire et théories du mouvement féministe

 A-    Histoire du mouvement féministe

 1– La première vague du féminisme

 Il existe au XVIIIème siècle et durant la première moitié de XIXème siècle des hommes et des femmes que l’on peut considérer comme des précurseurs du féminisme. Ainsi le philosophe Condorcet prône-t-il l’éducation des femmes en soutenant que leur infériorité intellectuelle ne serait que l’effet du manque d’instruction dont elles souffrent. De son côté, durant la Révolution française, Olympe de Gouges rédige une Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne. On trouve également un souci des droits et de l’émancipation de la femme chez certains socialistes comme les Saint-simoniens (le Père Enfantin) ou chez Charles Fourier, et cela dès la première moitié du XIXème siècle.

Mais il faut attendre la fin du XIXème siècle et la première moitié du XXème siècle pour que se développe réellement ce que les historiennes qualifient de première vague du féminisme. Celle-ci est caractérisée par la revendication de droits égaux en matières politique et professionnelle. Des femmes veulent pouvoir exercer les mêmes professions que les hommes (avocat ou médecin par exemple). Elles réclament également de participer aux élections et d’être éligibles, comme le revendique en particulier le mouvement des suffragettes, constitué surtout de femmes issues de la bourgeoisie.

Parmi les figures de la première vague du féminisme, on peut citer le cas de Marguerite Durand. Ancienne comédienne, elle fonde le premier journal entièrement rédigé par des femmes et pour des femmes, La fronde. En 1931, elle lègue sa documentation à la Ville de Paris, créant ainsi le fond de ce qui est devenu la Bibliothèque Marguerite Durand sur l’histoire des femmes et du féminisme.

Paradoxalement, c’est l’anti-cléricalisme de la gauche française, et en particulier du mouvement radical, qui semble avoir retardé l’accès des femmes françaises au droit de vote. En effet, les femmes sont réputées être davantage sous la coupe de l’Eglise et donc portées à voter à droite. Ainsi, alors que la plupart des Etats occidentaux ont accordé le droit de vote aux femmes dans les années 20 ou 30, il faut attendre 1944 pour que ce soit le cas en France.

 2- La deuxième vague du féminisme

 Ce que l’on appelle la seconde vague du féminisme en France émerge dans le sillage de l’ouvrage de Simone de Beauvoir, Le deuxième sexe (publié en 1949), et provient du mouvement féministe américain – le Womans Lib – (lui-même influencé par le mouvement noir américain), de Mai 68, et plus généralement de transformations sociales profondes concernant tant l’accès des femmes au travail que la contraception (loi Neuwirth sur la contraception de 1967).  Le Mouvement de libération des femmes (MLF) naît donc en 1970, suite à  l’impression qu’ont eue les jeunes femmes militantes en 1968 que les hommes ne les considéraient pas égalité, ne leur donnaient pas d’autres fonctions que domestique ou technique, et ne s’intéressaient pas à leurs revendications spécifiques. Le MLF tente ainsi d’instaurer une nouvelle forme de militantisme reposant sur un fonctionnement horizontal, incluant des groupes de parole où les femmes peuvent discuter de leurs problèmes dans la vie courante, même intime (par exemple la sexualité).

Les revendications portées par le mouvement féministe des années 1970 se traduisent en particulier par la loi sur le droit à l’avortement (1975) après de fortes mobilisations.

Après cela le MLF se tourne vers la dénonciation des violences faites aux femmes, en particulier du viol. Mais l’ensemble des mouvements sociaux nés dans le sillage de Mai 68 s’essoufflent. En 1979, l’une des leaders des trois tendances du MLF dépose le sigle, conduisant les autres tendances à ne plus pouvoir l’utiliser.

 Ces tendances au sein du MLF sont le reflet de différences théoriques fortes quant à l’analyse du mouvement féministe et de ses objectifs.

 3- Les théories du mouvement féministe

 Le mouvement féministe de la première vague insiste avant tout sur la dimension politique des revendications féministes, à savoir les droits civiques. La femme doit être l’égale de l’homme. Le sexe de référence reste le sexe masculin. Ce féminisme est qualifié de libéral-égalitariste ou universaliste. Ce courant d’analyse perdure par exemple actuellement dans les ouvrages d’Elisabeth Badinter.

 Le mouvement féministe de la deuxième vague au sein du MLF est divisé en trois tendances principales. Le féminisme « lutte des classes », qui constitue l’une d’elles, est issu du marxisme. Il y a un féminisme marxiste qui trouve sa source d’inspiration dans l’ouvrage d’Engels, L’origine de la famille, de la propriété privée et de l’Etat. Selon ce dernier, l’inégalité sociale entre hommes et femmes prend son origine dans l’avènement de la propriété privée. Les femmes ne doivent donc pas lutter prioritairement pour leur émancipation, mais pour celle du prolétariat dans son ensemble. Une fois la révolution réalisée, les femmes également seront de fait libérées.

Le second courant théorique qui travers le féminisme des années 1970 est le féminisme radical et, en particulier, radical matérialiste. Pour les féministes radicales, les femmes doivent chercher à lutter et à s’allier principalement entre femmes, qu’elles soient bourgeoises ou ouvrières, plutôt que sur la base d’une classe économique où elles se retrouveraient avec des hommes qui ne tiendraient pas compte de leurs problèmes spécifiques. Les féministes radicales matérialistes considèrent plus particulièrement que les femmes sont victimes d’une exploitation de leur travail dans les tâches ménagères et l’éducation des enfants : ce sont des tâches qu’elles effectuent gratuitement. Parmi les théoriciennes de ce courant, on peut citer Christine Delphy.

 Le troisième courant est aussi un courant féministe radical, mais différentialiste. Ce courant insiste sur la différence naturelle qui existerait entre les hommes et les femmes. Pour ces féministes, les femmes doivent revendiquer la reconnaissance de leur spécificité. Ce courant est porté en particulier dans les années 1970 par Antoinette Fouque sous le nom de Psychanalyse et politique (abrégé: psyché-po). Dans les années 1980, ce courant, influencé par la psychanalyse et le travail de Jacques Derrida, devient dominant aussi bien en France qu’aux Etats-Unis sous le nom de French feminism. Des personnalités telles que Julia Kristeva, Helene Cixous ou Sylviane Agazinski peuvent, dans des registres différents, y être rattachées.

 est contre le différentialisme de la French feminism qu’un courant théorique qui a eu une importance non négligeable sur la troisième vague (actuelle) du féminisme se constitue à la fin des années 1980. Il s’agit de la théorie queer. Sa représentante la plus connue est Judith Butler dont l’ouvrage Trouble dans le genre est publié aux Etats Unis en 1990. La théorie queer critique la thèse de l’identité féminine du courant différentialiste. En distinguant le sexe biologique et le genre, construction sociale, les théoriciennes du queer défendent la thèse selon laquelle les identités ne sont pas naturelles, mais sont des constructions sociales qui peuvent être déconstruites par les individus, en les jouant dans des « performances ». D’où l’importance dans la théorie queer de la figure du travestissement : l’identité biologique et l’identité sociale d’un individu peuvent ne pas coïncider. Certaines femmes sont considérées comme masculines, certains hommes comme efféminés, certaines personnes sont homosexuelles ou bisexuelles. Les identités de femmes ou d’hommes sont plus complexes dans les faits que ce qu’entendent nous imposer les normes sociales.

  Il est possible d’ajouter à cette présentation deux autres courants théoriques du féminisme qui ont un certain poids actuellement :

Dans les pays du Sud, autour de luttes de femmes qui résistent à la destruction par des multinationales de leur environnement naturel et traditionnel, condition de subsistance de leurs tribus, se développent des discours éco-féministes portés entre autres par la physicienne indienne Vandana Shiva. Les femmes seraient plus proches des techniques traditionnelles et d’une relation plus authentique à leur environnement naturel ; ce qui expliquerait un lien quasiment intrinsèque entre luttes féministes et luttes écologistes.

Un autre courant théorique issu des milieux afro-américains s’intéresse plus particulièrement au lien entre féminisme et minorités ethniques dans les sociétés occidentales. Ces théories de l’intersectionnalité, dont la philosophe Elsa Dorlin est l’une des introductrices en France, traitent par exemple de la manière dont la question du féminisme se pose pour une jeune fille issue de l’immigration maghrébine. Cette dernière ne souhaite peut-être pas être sommée de choisir entre des convictions féministes et sa croyance musulmane : elle peut en effet se revendiquer féministe musulmane voilée sans considérer cela comme contradictoire.

   Mais après les grands mouvements de lutte des femmes des années 1970 et les conquêtes politiques et sociales des  féministes, peut-on considérer que « le plus gros a été acquis » et que le mouvement féministe n’est plus qu’une survivance archaïque ? Le succès de la théorie queer ne montre-t-il pas que les revendications féministes sont dépassées et que la question essentielle est désormais celle des identités sexuelles ?

 II-                Actualité du mouvement féministe en France

Un peu plus de 40 ans après la naissance du MLF, le mouvement féministe français actuel apparaît divisé et peine à constituer autour des enjeux féministes des mobilisations de masse, comme ce fut le cas dans les années 1970.

Le mouvement féministe en France a voulu se donner, dans le sillage du mouvement de grève de décembre 1995, une nouvelle impulsion autour d’une unification des forces féministes. C’est ainsi qu’en janvier 1996 se crée le CNDF – Collectif national pour les droits des femmes -. Ce collectif réunit à la fois des organisations politiques, des syndicats et des associations féministes. Se situant dans le sillage du mouvement féministe de la seconde vague, il privilégie des thématiques telles que la lutte contre les violences faites aux femmes, la défense du droit à l’avortement ou encore l’égalité dans le travail. Ce sont les mêmes organisations que l’on retrouve en France dans la Marche mondiale des femmes (créée en 1998) qui organise tous les cinq ans un événement mondial.

            Mais à côté de ce mouvement féministe sont apparus des collectifs féministes, réputés composés de militantes plus jeunes et dont les analyses, les revendications et les stratégies d’action ont pu entrer en contradiction avec celles qui étaient présentées par leurs aînées. C’est ce que l’on appelle la troisième vague du féminisme. Ces jeunes féministes, marquées par l’introduction en France, et en particulier dans les milieux universitaires, de nouvelles problématiques venues des Etats-Unis, mettent en avant la difficulté à penser la catégorie de femme comme une catégorie unifiée. Ce sont entre autres autour des questions du voile et de la prostitution que les composantes du mouvement féministe français se déchirent.

            Mais ces oppositions ne sont pas les seules qui traversent le mouvement féministe ou créent des clivages avec d’autres mouvements sociaux. Ainsi, les revendications d’égalité homme/femme dans l’entreprise et en politique se caractérisent également par leurs propres lignes de clivage. De même, les relations entre féminisme et écologie ne s’avèrent pas pacifiées.

            En effectuant une synthèse et une rapide analyse de ces controverses et lignes de fracture, je souhaite faire apparaître les éléments sur lesquels peut-être le mouvement féministe doit peut-être travailler afin de tenter de construire une unité de revendication et d’action lui permettant d’aller vers une plus grande efficacité.

 A-     Des revendications persistantes

 Il est possible de remarquer qu’un certain nombre d’axes de revendication ouverts en particulier dans les années 70, ou même avant, continuent d’être des thématiques de campagnes des mouvements féministes actuels en France.

 – La question du partage des tâches domestiques et de l’éducation des enfants 

 La question de l’inégale répartition des tâches liées au travail domestique et à l’éducation des enfants continue d’être une thématique des organisations féministes françaises. Il est en particulier rappelé régulièrement, à l’occasion du 8 mars, journée internationale de la femme, les inégalités en la matière.

Pour autant, remarquons qu’au-delà d’un discours de principe sur le partage des tâches ménagères ou de l’éducation des enfants, les campagnes ou les revendications concrètes sur ce sujet ne sont pas très audibles dans les espaces public et médiatique.

Cela tient, sans doute, entre autres, à la difficulté d’intervenir dans ce qui est perçu comme l’espace privé et intime du couple ou de la famille. Ainsi aucune campagne n’a été lancée pour une grève des tâches ménagères ou des rapports sexuels, comme cela avait été le cas dans les années 70 à l’appel du MLF.

Cependant, des dissensions naissent autour de la question de la place des pères dans l’éducation des enfants et en particulier, en cas de divorce, de la garde des enfants qui étaient jusque récemment confiés systématiquement aux mères.

 – Les violences faites aux femmes : femmes battues et viols

 La question des violences faites aux femmes constitue a priori une dénonciation commune à tou(te)s les féministes.

Les féministes ont obtenu des législations spécifiques sur le viol et les violences conjugales, y compris le viol conjugal.

Ces dernières années, le CNDF a mis en avant la revendication d’une loi cadre contre la violence faite aux femmes, et l’association Osez le féminisme, proche du PS, a en 2010 médiatisé une campagne de sensibilisation à la question du viol.

 Néanmoins, cette thématique, qui semblerait consensuelle entre féministes, a généré des tensions quand la question des violences faites aux femmes a été selon certaines féministes instrumentalisée à des fins racistes pour stigmatiser les jeunes hommes issus du Maghreb. Cette controverse s’est manifestée par exemple au sujet du phénomène des «  tournantes », où l’on a vu s’opposer les féministes du Mouvement Ni Putes, ni Soumises et les féministes des Indigènes de la République.

 – La maîtrise par les femmes de leur contraception et de leur sexualité

 Cette thématique a récemment fait l’objet de l’actualité à travers tout d’abord la menace de fermeture pesant sur des centres pratiquant l’IVG, en raison des mesures liées à la Révision générale des politiques publiques.

            La question de la sexualité des femmes a été plus particulièrement mise en avant médiatiquement avec la campagne « Osez le clito » par l’association Osez le féminisme début 2011.

 – L’égalité dans le travail et en politique

 L’interrogation sur l’égalité homme/femme en politique et dans le monde du  travail met en évidence une sous-représentation des femmes en politique et une inégalité des salaires, ainsi que d’une prépondérance des temps partiels ou du chômage des femmes.

Mais ces deux thématiques ont encore fait l’objet de divisions parmi les féministes.

En ce qui concerne la représentation politique, la fin des années 1990 a été marquée par les débats autour de la question d’une loi sur la parité que l’on a présentée de manière un peu simpliste comme l’opposition entre des féministes libérales-égalitaristes universalistes et des féministes différentialistes.

            La question des revendications salariales ne fait pas elle non plus l’objet d’une unanimité dans ses formulations par les féministes. Ainsi, certaines revendications, concernant par exemple la place des femmes dans les conseils d’administration des grandes entreprises, peuvent apparaître comme reflétant les intérêts des femmes « bourgeoises », en l’occurrence des femmes issues des classes moyennes cultivées.

            Ainsi, ces thématiques, initiées pour nombre d’entre elles dans les années 70, par le féminisme de la 2e vague, continuent d’avoir une actualité revendicative, mais, pour autant, le contenu de ces revendications ne fait pas toujours l’unanimité.

 B-    Le renouvellement des problématiques

 Deux thématiques sont l’objet de nouveaux clivages entre féministes : il s’agit d’une part de la prostitution, et d’autre part des lois sur le voile et la burqa.

 –         La question de la prostitution :

 Les débats féministes sur la prostitution ne sont pas nouveaux, mais ils ont subi un certain renouvellement sous l’influence de l’importation de ce que l’on a appelé aux Etats-Unis les sex wars et de la place des identités et des sexualités minoritaires dans les milieux queer.

Ainsi est apparu un courant auto-dénommé « pro-sex » qui a introduit la question d’un statut de travailleur et de travailleuse du sexe qui regrouperait les travailleurs du secteur de la pornographie et les prostitué(e)s.

Alors que certaines féministes, qui sont qualifiées par leurs adversaires de réglementaristes, tentent de s’organiser en syndicat du travail sexuel et d’obtenir un statut de travailleur du sexe, les autres revendiquent l’abolition de la prostitution analysée comme une forme d’exploitation sexuelle et prennent pour modèle la législation suédoise qui poursuit les clients.

–         La question du foulard islamique et de la burqa

 Les affaires dites du voile islamique, médiatisées à partir de la fin des années 1980, puis la loi sur les signes religieux ostentatoires et encore plus récemment les débats sur la burqa ont produit de nouveaux clivages au sein du mouvement féministe.

 D’un côté, certaines féministes, qualifiées de républicaines, mettent en avant le caractère sexiste du voile, au nom de la défense de la laïcité. Se situant à la fois dans la tradition républicaine de critique des religions et de leur pouvoir politique, elles s’opposent également au voile comme une marque spécifique de l’oppression des femmes.

De l’autre côté, des féministes, s’auto-proclamant anti-racistes, analysent les dénonciations du voile et de la burqa comme une instrumentalisation, à des fins racistes, du féminisme. Elles font alors du voile une des multiples manières individuelles de vivre sa religion et non le signe d’une oppression à caractère sexiste.

Entre les deux, d’autres féministes essaient de tenir un difficile équilibre entre anti-racisme, critique des religions et féminisme, en prônant la position dite « Ni loi, ni voile ». Ce fut par exemple aussi bien la position de l’ex-LCR que celle d’Alternative libertaire.

 – Féminisme et écologie : le conflit ?

 Enfin, s’il ne s’agit pas d’un débat interne au mouvement féministe, il est intéressant de rappeler la polémique créée par l’ouvrage d’Elisabeth Badinter, Le conflit, qui mettait en avant les clivages qui peuvent exister entre le naturalisme écologiste et le constructivisme féministe.

Ainsi, alors que dans d’autres pays, en particulier du Sud, questions écologistes et questions féministes peuvent se trouver fortement liées, en France, ces deux milieux ne dialoguent que peu entre eux ; ce qui apparaît notable dans les revendications qui sont portées par les deux mouvements.

Conclusion :

Il est possible de se demander pour terminer si ces lignes de fracture constituent les principaux obstacles que doit surmonter le mouvement féministe, si son action se trouve affaiblie par ces déchirements internes.

Certes, ces divisions sont peut-être une des causes de la difficulté du mouvement féministe actuel à toucher lors de ses actions un public plus large que le milieu strictement militant.

Mais il est nécessaire de relativiser également la portée de ces clivages :

– Mis à part la question du voile, les autres problématiques énoncées ne sont pas spécifiquement nouvelles.

–  Ces clivages qui sont présentés comme opposant les féministes de la 2e vague et celles de la 3e vague ne sont pas toujours une grille de lecture opérante. En effet, de nombreux jeunes féministes ont  des positions qui sont celles de la 2e vague. Il semble plutôt qu’il faille y voir un conflit de positions, plutôt qu’un conflit de générations.

 – Enfin, n’oublions pas que le MLF était lui-même fortement divisé en interne entre diverses tendances : matérialistes radicales, psyché-po, lutte de classes…

 La difficulté du mouvement féministe actuel à prendre de l’ampleur résiderait alors dans des différences de contexte. Peut-être en effet est-il plus facile de se mobiliser contre une loi que de tenter d’obtenir l’application d’une autre ?


[1] Françoise Héritier, Masculin-Féminin I. La pensée de la différence, Paris, Éditions Odile Jacob, 1996 ; rééd. 2002.

[2] On peut noter comment l’auteur comique athénien Aristophane en met en scène une action collective de femmes à travers une grève du sexe organisée pour protester contre la guerre (cf. sa pièce intitulée, Lysistrata). Rappelons également les émeutes pour le pain à la veille de la Révolution française pendant lesquelles une marche des femmes vers Versailles conduisit ensuite la famille royale à rejoindre Paris.