Par Ziad Medoukh
La guerre qui fait rage à Gaza avec ses conséquences humanitaires désastreuses sur la population civile a projeté au-devant de l’actualité cette enclave palestinienne qui abrite près de 1,8 million d’habitants. L’agression israélienne avec son cortège de morts, de blessés et de destructions ne doit pas faire oublier que le blocus imposé par Israël depuis 2006 fait aussi des victimes en silence. Nous reproduisons ci-dessous un article de Ziad Medoukh sur les conséquences économiques et sociales de ce blocus inhumain.
Les chiffres et statistiques de cet article sont datés du deuxième trimestre 2013. Ils proviennent d’organisations internationales telles que le l’Office des Nations Unies pour les réfugiés palestiniens (UNRWA), le Programme des Nations Unies pour le Développement, la Banque Mondiale, l’Organisation Mondiale du Travail, le ministère palestinien de l’Economie et du Commerce et la Chambre de Commerce et d’Industrie de Gaza.
L’économie de la bande de Gaza souffre d’une crise très grave à cause du blocus israélien et des fermetures de tous les passages commerciaux qui la relient à l’extérieur. Cette situation empêche tout développement d’une économie en faillite qui ne trouve pas les ressources nécessaires pour sortir d’une crise qui touche tous les autres secteurs.
On peut d’abord qualifier le blocus israélien sur Gaza de punition collective contre plus de 1.8 millions d’habitants qui vivent dans le chômage, la pauvreté et la précarité, et se battent quotidiennement pour survivre et rester dignes sur leur terre.
La fermeture totale des passages commerciaux qui relient la bande de Gaza au monde extérieur depuis 2007, et son ouverture de temps en temps de manière arbitraire et partielle, ont rendu l’économie gazaouie chaotique, sans aucun espoir de redressement. Tous les secteurs économiques sont paralysés en raison de l’arrêt complet des projets en cours. Cette fermeture empêchent la libre circulation des biens et produits de Gaza, en particulier les matières premières et les produits semi-finis.
Les conséquences économiques de ce blocus illégal se manifestent par :
1- Un recul des indicateurs de l’économie palestinienne. L’économie de la bande de Gaza contribue pour 43 % au PIB palestinien et cette situation a rendu l’économie palestinienne dépendante de l’économie israélienne et de l’aide internationale.
2- Les pertes financières directes ou indirectes dues à ce blocus inhumain et qui, en sept ans, dépassent les 2 milliards d’euros.
3- Le secteur privé, actuellement paralysé, est le secteur le plus touché. Il employait environ 70 000 personnes avant 2007 et représentait 45 % du marché de travail à Gaza. A cause de la fermeture des usines et des ateliers, l’interdiction d’entrée de matières premières pour tous les projets et l’interdiction d’exporter, sans oublier la destruction de 80 % des entreprises privées lors de l’agression israélienne de 2008-2009, plus de 700 installations industrielles ont été fermées sans réouverture. La seule zone industrielle qui se trouvait au nord de la bande de Gaza est fermée elle aussi définitivement en 2009. Depuis, le secteur privé n’emploie actuellement plus que 10 000 personnes.
Le secteur primaire en grande souffrance
4- Le secteur de l’agriculture qui employait 30 000 travailleurs a aussi été touché. Actuellement, il y a seulement 7 500 personnes qui y travaillent, avec une baisse permanente de revenu. Ce secteur souffre de l’interdiction israélienne permanente d’exporter les produits agricoles de Gaza connus pour leur qualité, notamment les fraises, les tomates et les oranges, vers les marchés externes. Sans oublier la diminution des terrains cultivables, des espaces ayant été détruits par les différentes incursions israéliennes sur les différentes régions de Gaza. La surface cultivée a diminué de 15 % depuis 2007.
Les pertes agricoles quotidiennes à cause de la non exportation des produits agricoles vers l’étranger est de 70 000 euros par jour. Conséquence grave : beaucoup de personnes sont en train d’abandonner leur terre agricole à cause des pertes et les terres sont remplacées par des constructions et des bâtiments. Autre raison, la décision israélienne de porter la zone tampon, au nord de Gaza, à 500 mètres, a conduit à la détérioration dans le secteur agricole. De plus, la mort de beaucoup d’animaux a rendu l’élevage très difficile, et les prix ne cessent d’augmenter.
Avant 2007, la zone cultivée dans la bande de Gaza s’élevait à 160 000 m². Actuellement, il est estimé que 20 % de la zone cultivée, dont des vergers et des serres, a été gravement affecté. Selon le rapport de la Chambre du commerce de Gaza, le coût de l’impact sur les moyens de subsistance des agriculteurs, combiné à celui des mesures de nettoyage nécessaires, s’élève à environ 10 millions d’euros.
5- Du côté de l’industrie, 90 % des usines existantes sont fermées sans réouverture à cause du manque de matières premières, d’exportation, d’importation. La bande de Gaza est connue pour ses industries de qualité, notamment les vêtements, le tissu et le bois, les pertes dans ce secteur depuis juillet 2007 sont de 10 millions d’euros par mois.
6- Le secteur de la pêche souffre énormément du blocus israélien, les pécheurs gazaouis étant interdits de dépasser 400 mètres des côtes. Ces restrictions et ces limites ont influencé ce secteur. Plus de 1 000 pêcheurs ont soit changé d’activité, soit travaillent avec un revenu minimum.
Une dépendance vitale à l’aide internationale
7- Le taux de chômage a dépassé les 65 % au deuxième trimestre de 2013, mais le phénomène le plus dangereux est la hausse du chômage chez les jeunes de moins de 30 ans, qui atteint 75 %.
8- 45 % de la population de Gaza vit en dessous de seuil de pauvreté depuis mai 2007, ce qui a pour conséquence l’augmentation du nombre de personnes dépendant des organisations humanitaires. Selon les sources de l’UNRWA à Gaza, plus de 500 000 personnes ont bénéficié du programme de l’aide alimentaire géré par le bureau et qui a élargi ses services aux citoyens et plus seulement aux réfugiés.
Actuellement, 130 à 180 camions entrent à Gaza chaque jour, mais la moitié sont pour les organisations internationales et leurs projets de construction d’écoles et de stations d’eau. Gaza n’a droit qu’à 90 produits au lieu de 750 avant le blocus. Des produits de base et des médicaments n’entrent pas, ce qui a aggravé la situation. Selon les estimations des organisations internationales, la bande de Gaza a besoin de 750 camions par jour pour répondre aux besoins énormes d’une population en augmentation permanente.
Les conséquences du blocus et cette situation marquée par des difficultés économiques obligent beaucoup d’habitants à aller récupérer des matériaux dans la zone tampon au nord de Gaza, une zone dangereuse contrôlée par l’armée de l’occupation israélienne qui n’hésite pas à tirer. Elle a causé la mort de sept personnes en 2013.
Ces conséquences économiques sur la population montrent une fois de plus que le véritable objectif de ce blocus imposé par l’armée israélienne, et cela devant le silence complice de la communauté internationale officielle, est de casser la volonté remarquable, et la patience extraordinaire de cette population civile en pleine résistance. Une question qui se pose : jusqu’à quand ce blocus israélien inhumain contre la population civile de la bande de Gaza ?
Ziad Meddoukh est professeur de frnçais à l’université d’Al Aqsa à Gaza