L’article 458 du Code pénal
« Les médecins, chirurgiens, officiers de santé, pharmaciens, sages-femmes et toutes autres personnes dépositaires par état ou par profession, des secrets qu’on leur confie, qui, hors le cas où ils sont appelés à rendre témoignage en justice ou devant une commission parlementaire et celui où la loi les oblige à faire connaître ces secrets, les auront révélés, seront punis d’un emprisonnement de huit jours à six mois et d’une amende de cent (x 5) euros à cinq cents (x 5) euros ».
Le Code de déontologie des Assistants sociaux de l’UFAS rappelle cette obligation :
« 1.4. L’Assistant Social s’impose une grande discrétion en toutes circonstances. II respecte scrupuleusement et fait respecter le secret professionnel. »
DÉFINITIONS
– Qu’est ce qui est secret ? Pour la loi = TOUT ! Distinction dans le Code de déontologie = « faits secrets par nature » (données objectives et factuelles, partageables sous conditions cumulatives, cf. infra) et « confidences » (toujours secrètes !)
– Qui est tenu au SP ? Le « confident nécessaire » par profession (médecin, psychologue, assistant social, éducateur…) ou par état (bénévole, stagiaire, collaborateurs indispensables…) ; c’est la fonction occupée qui crée la nécessité du secret et l’obligation pénale qui s’en suit, pas le titre du professionnel !
– Le secret dure toute la vie du professionnel, même au-delà de la fin de ses fonctions
– Le décès de l’usager ne lève pas l’obligation du secret du professionnel
LE PARTAGE DU SP
La règle, c’est le secret. Le partage, l’exception.
Le(s) code(s) de déontologie (notamment celui des AS) prescri(ven)t un ensemble de règles pour permettre un travail de collaboration entre professionnels quand la situation l’exige ; il s’agit de conditions cumulatives ; si l’une d’entre elles manque, c’est la loi, c’est-à-dire le secret strict qui s’applique.
– Avec une personne tenue au secret professionnel
– Poursuivant les mêmes missions
– Dans l’intérêt de l’usager
– Avec son consentement
– Que les éléments nécessaires à la mission commune
LES EXCEPTIONS À L’OBLIGATION DE TAIRE LES SECRETS
1) Le témoignage en justice : exception légale prévue dans l’art 458
Le témoignage en justice est « la déposition faite, après convocation, sous serment, devant un juge d’instruction, une cour, un tribunal, ou une commission d’enquête parlementaire ».
C’est la seule exception explicite au secret professionnel dans l’art 458 du code pénal.
Il permet la levée du secret professionnel devant un magistrat, représente une faculté de parler, jamais une obligation ! Le Code de déontologie belge francophone des AS impose de ne jamais divulguer de confidences, de s’en tenir, si l’on parle, à la révélation de faits objectifs, de données factuelles.
2) Quand la loi oblige à faire connaître les secrets : quelques exemples
– Arrêté du 17/07/2002 de la CF : liste des maladies transmissibles impliquant la mise en oeuvre de mesures de prophylaxie et de dépistage.
« En fonction du degré d’urgence et/ou du nombre de malades recensés dans un établissement scolaire, on distingue deux catégories de maladies pour lesquels le médecin scolaire doit être averti.
– La loi du 28 novembre 2000 relative à la protection pénale des mineurs
Cette loi, qui porte très mal son nom car sa portée dépasse de loin la question de la protection des mineurs, a introduit toute un série de modifications, qu’il serait trop fastidieux de développer ici. Néanmoins, on peut en retenir une série d’obligations pour des services privés, pourtant non mandatés, comme celle d’établir et de communiquer des rapports de suivi quand ils acceptent la guidance ou le traitement d’un justiciable (par ex. un délinquant sexuel, un toxicomane…) libéré sous conditions, rapports à envoyer aux assistants de justice mandatés par l’autorité judiciaire. Dans la pratique, de nombreux services ont refusé d’appliquer ces dispositions, et se contentent de fournir une attestation de suivi à la personne demanderesse.
3) Quand il y a contradiction entre l’article 458 du CP et d’autres dispositions légales
L’assistance à personne en danger : l’art 422bis du CP
« Sera puni d’un emprisonnement de huit jours à six mois et d’une amende de 50 à 500 francs ou d’une de ces peines seulement, celui qui s’abstient de venir en aide ou de procurer une aide à une personne exposée à un péril grave, soit qu’il ait constaté par lui-même la situation de cette personne, soit que cette situation lui soit décrite par ceux qui sollicitent son intervention. »
En outre, l’abstenant doit pouvoir intervenir sans « danger sérieux pour lui-même ou pour autrui. Il s’agit bien d’une obligation de porter secours à une victime, et non d’une obligation de dénonciation d’un auteur. L’attention est portée sur la protection de la victime, qui peut se faire sans divulgation du secret aux autorités, non sur la dénonciation de l’auteur. La révélation ne pourra se faire que s’il y a état de nécessité (voir aussi le droit de parole qui consacre cet état de nécessité par l’art 458bis du CP concernant les violences sur mineurs, sur les personnes vulnérables et en cas de violences domestiques).
L’état de nécessité : la jurisprudence
« L’état de nécessité est une cause de justification consacrée par la doctrine et la jurisprudence. Dans un cas qui concernait un médecin, mais dont les éléments sont applicables par analogie à tous les détenteurs d’un secret professionnel, la Cour de cassation a considéré que « sur la base de circonstances de fait, […] en présence d’un mal grave et imminent pour autrui, ce médecin avait pu estimer qu’il ne lui était pas possible de sauvegarder autrement qu’en commettant cette violation du secret professionnel un intérêt plus impérieux […]. » La cour a précisé que
c’est au dépositaire du secret professionnel qu’il appartient d’estimer « eu égard à la valeur respective des devoirs en conflit » quelle attitude il lui convient de prendre2.
L’état de nécessité renvoie à un conflit de valeurs3 : respecter la loi, la relation de confiance, donc se taire, ou la transgresser pour sauvegarder un intérêt plus impérieux. »
Le recours à l’état de nécessité, qui justifierait la levée du secret professionnel, répond à 4 conditions :
– le danger que l’on s’apprête à éviter doit être grave et réel (permettre de protéger une valeur supérieure à celle protégée par le secret : principe de proportionnalité),
– il s’apprécie toujours par rapport au futur (un fait grave passé ne représente plus un danger permettant la levée du secret, c’est ce qui distingue l’état de nécessité de la dénonciation),
– il s’apprécie au cas par cas (pas de « liste » de faits ou de situations a priori, il s’agit toujours d’une évaluation contextualisée et circonstanciée),
– et toutes les autres manières de protéger la victime doivent avoir été envisagées (« dernier recours », principe de subsidiarité)